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« Le jour baissait, les cocotiers s’agitaient au-dessus de nos têtes,
secouant sur nous leurs cent-pieds et leurs scorpions »,
le Mariage de Loti, Pierre Loti, 1880

La pathologie des médias, p. 3

 

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BLOC-NOTES, suite

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• Note 61 du 12 septembre 2006. Québécismes lexicaux, 1
s’enmieuter. V. réfl. Devenir meilleur, s’améliorer. Variante : s’emmieuter.
Il faut espérer que la situation va s’enmieuter. Savoureux !
Source : ici et passim.

 

• Note 62 du 20 septembre 2006. Equilibrisme et funambulisme, 3
–– Les grands absents des dictionnaires, 4
Signalé il y a une semaine les oublis intrigant, équilibrisme et funambulisme à l’Académie et à l’éditeur du Nouveau Littré.
Encore entendu ce matin sur France Info le mot funambulisme et, il y a une quinzaine de jours sur France Inter, le mot équilibrisme.

 

• Note 63 du 21 septembre 2006. Les médias me rendent malade, 36
–– L’orthophoniste et le logicien du 12-13 de France 3 : synergie pour une information plus fiable
Elisabeth Bonnet, l’orthophoniste de France 3 : « A partir du 15 novembre, lorsque vous achèterez [prononcé achtré] de l’électroménager ou du matériel informatique, vous paierez une écoparticipation » (a).
Bertrand Boyer, le logicien de France 3 : « C’est donc bien un sous-marin qui serait à l’origine du naufrage du Bugaled-Breizh. »
C’est ici.
Et j’en passe : ça suffit bien pour aujourd’hui et pour France 3.

a. Est-il utile de préciser que l’on doit prononcer [achètré] et non [achtré] ? Il faut revoir vos conjugaisons, madame Bonnet.

 

• Note 64 du 23 septembre 2006. Dictionnaires et autres outils linguistiques en ligne
Un peu fouillis pour le moment. Adresses ici.

 

• Note 65 du 24 septembre 2006. Les médias me rendent malade, 37
–– Le médicament qui fait rire
Connaissez-vous la « faculé » de pharmacie de Rennes ? elle est ici (regarder le titre de la page).

/!\ Mise à jour 2007. Ç’a été corrigé.

 

• Note 66 du 24 septembre 2006. Les médias me rendent malade, 38
Pour paraphraser Charles Trenet dans les Coupeurs de bois : « Qui ne disent rien, mais n’en pensent pas plus. »

 

• Note 67 du 28 septembre 2006. Les médias me rendent malade, 39
–– Monstre néologique, à propos de Ségolène Royal
A l’idée de qui viendrait-il de dire mitterrisme au lieu de mitterrandisme ou buffisme au lieu de buffétisme (pour désigner, par exemple, les positions politiques de Marie-George Buffet, secrétaire nationale du Parti communiste français) ? A l’idée des médias, tout bêtement, lesquels préfèrent le terme ségolisme au terme ségolénisme (le seul convenable). Par paresse – pour économiser une syllabe –, par moutonnerie ou par sottise ? Les trois à la fois, je suppose (a).

a. Première remarque quoique sans grand intérêt : le ségol est un caractère de l’alphabet hébreu constitué de trois points disposés en triangle pointe en bas, à l’inverse du trois-points des « frères trois points » et du trois-points de la lettre arabe chîn, qui ont tous deux la pointe en haut. Ségolisme pourrait se traduire littéralement par trois-pointisme.
Deuxième remarque. Le trois-pointisme pourrait être une maladie de l’écrit ayant pour symptôme l’abus du trois-points, dit points de suspension : « Le trois-pointisme de Céline me donne le tournis. »
Enfin deux mots sur un trois-pointisme imbécile à la mode dans les médias écrits qui me vrille les nerfs, où le trois-points est à l’intérieur de la phrase ; exemple : « Hier, le président Jacques Chirac a remis à l’ex-légionnaire Jean Dupont-Durand du 3e REI la... Légion d’honneur. » Effet de pacotille assuré.

/!\ Mise à jour ségolisme 2-2007. Plusieurs exemples sur le site de l’Express : http://www.valeursactuelles.com/magazine/journal/index.php?NP=3662 ; copie d’écran ici.
/!\ Mise à jour trois-pointisme 8-2007. Ici.
/!\ Mise à jour trois-pointisme 9-2007. Voir la note 165, p. 7 : On achève bien... les inspecteurs du travail (titre d’un livre de Gérard Filoche, inspecteur du travail).

 

• Note 68 du 29 septembre 2006. Néologisme aigre-doux
téphromancie. N. f. « (Du gr. tephra, cendre.) Examen des cendriers. Rem. Analyse souvent pratiquée par les jaloux », in les Idées loufoques suggérées par les mots & les faits ; c’est ici.
Mise à jour, 2019. Le site Schnauzer.fr n’existe plus. On y trouvait de savoureux néologismes.

 

• Note 69 du 30 septembre 2006. Les médias me rendent malade, 40
–– Des pseudo-tirets qui tantôt se collent, tantôt se décollent et qui séparent tout en unissant : une belle pagaille
Voici comment seront orthographiés les nouveaux noms de famille d’après la loi relative à la dévolution du nom de famille publiée au Journal officiel n° 140 du 19 juin 2003 page 10240/NOR: JUSX0306571, laquelle loi concerne essentiellement les enfants nés à partir du 1er janvier 2005.
En résumé, aux termes de cette loi, les enfants pourront porter le nom de famille du père et celui de la mère accolés par deux « tirets » (une nouveauté typographique). Mais comment seront disposés ces « tirets » : espacés ou collés ? Réponses ci-dessous et rien que des sources très sérieuses : ministère de la justice, ambassades de France, CNRS,...
Dans les trois paragraphes ci-dessous, les citations seront entre guillemets, mes commentaires seront en bleu.
1. – Dupont - - Durand (espace, trait d’union, espace, trait d’union, espace)
http://www.ambafrance-at.org/article.php3?id_article=926
« PERE - - MERE ou MERE - - PERE ».
– http://www.ambafrance-au.org/article.php3?id_article=1184
« Le double nom, constitué par le nom accolé [sic ; il eût fallu écrire « constitué par les noms accolés »] de chacun des parents, est identifiable par deux tirets ( - - ) placés entre les noms des deux parents. » [Remarquer que ce ne sont pas des tirets, mais des traits d’union : le tiret est plus long et son emploi diffère de celui du trait d’union (a).]
« Nom du père - - Nom de la mère ».
« Nom de la mère - - Nom du père ».

2. – Dupont- -Durand (trait d’union, espace, trait d’union : hilarant)
http://www2.cnrs.fr/presse/journal/2020.htm
« Dans ce dernier cas, l’enfant porte un double nom, dont les deux vocables sont séparés par deux tirets (Rouge- -Gorge, par exemple). »

3. – Dupont--Durand ou Dupont- -Durand (trait d’union, trait d’union ou trait d’union, espace, trait d’union) ?
http://www.justice.gouv.fr/actua/nomfamille6.htm
« L’accolement des deux noms constitue un double nom de famille, identifié par le séparateur “ -- ”. »
[Remarquer que les noms sont dits accolés (réunis) par un séparateur (ce qui devrait les séparer, donc les désunir). Quel pandémonium !]
« Un signe [...] qui ne perturbe pas les systèmes informatiques a du [sic pour l’orthographe] être instauré : le choix s’est donc porté sur le double tiret [sic] “ - - ” [ces traits d’union-là ne sont pas collés l’un à l’autre ; pour ne pas perturber les systèmes informatiques, peut-être faudrait-il commencer par appeler trait d’union un trait d’union et secundo ne pas se contredire : voir ci-après “Martin--Durand”]. [...] M. Martin--Durand et Mme Dupont--Dubois [ces traits d’union-là sont collés l’un à l’autre] portent des noms composés par l’effet de la loi nouvelle. »

[Après lecture en diagonale de nombreuses pages, je crois pouvoir deviner et presque affirmer que la graphie légale est Dupont--Durand, soit deux traits d’union collés avant, au milieu et après. Perdu deux bonnes heures avant de gagner cette quasi-conviction.]

a. Curieuse lacune : c’est à la communale ou au collège qu’on apprend la différence entre tiret et trait d’union. On entendait souvent il y a quelque temps sur les radios de Radio France nos marchands d’insipide dire : « notre site à radio tiret france point com » (www.radio-france.com) ; en fait il s’agissait d’une fausse adresse, puisque c’était un trait d’union. Cette adresse a été changée (www.radiofrance.fr). Moralité : faut tout le temps qu’ils se plantent, même sur des choses simples.
Même l’hyperlaxiste Robert (en l’occurrence le Petit Robert électronique de 2001 s. v. tiret) note que c’est « abusivement » que le trait d’union est appelé tiret.

/!\ Mise à jour du 13-10-2007. Voir cet article d’un avocat à http://www.maitre-eolas.fr/2005/04/14/116-nom-de-nom.

 

• Note 70 du 1er octobre 2006. Traits d’union et tirets
Ici une utilisation particulière du tiret rencontrée sur le web francophone : « L’arrondissement de Rock-Forest–Saint-Elie–Deauville couvre le territoire des anciennes municipalités de Rock-Forest, de Saint-Elie-d’Orford et de Deauville. » Pratique typo courante au Québec ? Bien mieux que notre maladroit et inélégant « la distance Collonges-la-Rouge - Colmier-le-Haut » avec son nid-de-poule de chaque côté du trait d’union, qui deviendrait « la distance Collonges-la-Rouge–Colmier-le-Haut ».
Mais qui veut innover, même pour faire mieux ?

 

• Note 71 du 6 octobre 2006. Les médias me rendent malade, 41
–– Pourquoi certains mensonges ont la vie dure, 1 (a)
« Je sais que ceux qui ne vous connoissent pas assez ont peine à se déterminer sur ce sujet ; parce qu’ils se trouvent dans la nécessité ou de croire les crimes incroyables dont vous accusez vos ennemis ou de vous tenir pour des imposteurs, ce qui leur paroît aussi incroyable. »
« Ceux qui ne vous connoissent pas [disent de vous] : Comment ces bons pères voudroient-ils calomnier leurs ennemis, puisqu’ils ne le pourroient faire que par la perte de leur salut ? »
Pascal répond et démontre en s’appuyant sur des textes écrits par les jésuites eux-mêmes : parce que leur doctrine non seulement absout, mais légitime le mensonge et même la calomnie.
Pour rendre le tableau parfait, ajoutons ceci.
« Qui ne croiroit que des gens qui parlent de ce ton-là eussent sujet de se plaindre [...] ? »
Ils mentent ou, pis, calomnient, mais, « par le crédit qu’ils ont dans le monde, ils peuvent calomnier sans craindre [quoi que ce soit]. »

a. Œuvres de Blaise Pascal, tome I, Provinciales, XVe lettre (Lefèvre, 1819).

 

• Note 72 du 7 octobre 2006. Les médias me rendent malade, 42
–– Pourquoi certains mensonges ont la vie dure, 2
En d’autres termes, ce qui donne crédibilité et longévité à certains mensonges selon Pascal :
– il n’oserait pas mentir si effrontément ;
– il ne serait pas si en colère ou si calme et assuré ;
– il a l’air fiable et de nombreuses personnes le considèrent comme fiable.

J’ajouterai ces deux raisons, et surtout la dernière :
– je n’ai pas le temps de lire le texte controversé ;
– penserais-je qu’il ment, je n’aurais pas le courage de monter au front seul contre l’opinion publique.

Il y a aujourd’hui quelques personnes très médiatisées qui ont l’incroyable, la stupéfiante duplicité des jésuites dont parle Pascal (a).
« Platitudes », direz-vous, « et nous savons bien à qui vous faites allusion. » Détrompez-vous, vous ne faites pas partie de ceux qui savent.

a. Il faut la lire, cette XVe lettre, pour apprendre, pour découvrir jusqu’où peut aller l’aplomb, l’impudence, le cynisme tranquille de certaines personnes – en l’occurrence les jésuites – faisant partie de l’élite lettrée et éduquée et jouissant de par leur statut social d’un capital de confiance donné a priori et sans méfiance, en partie parce qu’elles sont des hommes de religion.

 

• Note 73 du 7 octobre 2006
Les qualités organo-lexiques d’un néologisme savoureux et bien formé.

 

• Note 74 du 12 octobre 2006
Mon style est peut-être malade des notes – je le dis avant qu’on ne me le dise – avec une tendance difficilement contenue à la sous-note et pis. Et je ne suis pas exempt de certains défauts que je blâme.

 

• Note 75 du 12 octobre 2006. Les médias me rendent malade, 43
–– Un « bilan, bien évidemment provisoire » (a), de la profonde inconscience journalistique
Hier sur France Inter au journal de 19 heures, ton chantant, sautillant, plein d’entrain, parfois gourmand, presque triomphal, enjoué et frétillant – donc, par manière de dire, hors sujet – du journaliste Philippe Lefebvre pour annoncer ou rendre compte de l’affaire Véronique Courjault, qui aurait assassiné deux de ses bébés par congélation, et de l’accident de trains qui a fait cinq morts et des blessés à Zoufftgen, en Moselle. Sonals (jingles) habituels, qui sont comme des pom-pom-pom, comme les trois coups du théâtre de Grand-Guignol, roulements de percussion apéritifs (vous-allez-voir-ce-que-vous-allez-voir) au second plan lors de l’annonce des titres ; écoutez particulièrement le sonal qui précède le compte rendu de l’affaire Véronique Courjault, avec son « Inter soir ! » (à 1 minute 24 secondes) souriant, mièvre, comme un peu pâmé, engageant, discrètement racoleur, censé m’encourager à poursuivre l’écoute ; et le ton du mercelot gaillard, content de soi et sûr de soi qui n’a aucune conscience qu’il tente de me vendre en tout aise, bien-être et commodité le sang, la douleur et la mort des autres.
Ici. (Les blancs correspondent à des parties coupées par mes soins ; l’enregistrement se termine sur le mot « domicile ».)

a. « Bilan, bien évidemment provisoire » est, comme vous pourrez l’entendre, une citation du journal.

 

• Note 76 du 13 octobre 2006. Dans la lignée de la Deffence et illustration de la langue françoyse, 1549, de Joachim Du Bellay, 1 (a)
« Nous désirons que l’on recherche, que l’on étudie, que l’on relise enfin les auteurs du seizième siècle ; que l’on tienne note de celles de leurs expressions qu’on a eu tort de laisser perdre, et que l’on s’attache à les faire revivre », François de Neufchâteau (1750-1828, homme politique, philologue et académicien) in Œuvres de Blaise Pascal, 1819, tome I, p. CCXXVI.
Expérience (lectures de Jacques Amyot et de Joachim Du Bellay, deux auteurs du XVIe) et réflexion faites, ce désir est également le mien. Je m’en expliquerai plus loin.

a. La Deffence et illustration de la langue françoyse, curieux titre, avec ce premier article au singulier devant deffence et cette absence d’article devant illustration ; c’est pourtant celui d’un exemplaire de 1549 téléchargeable via http://gallica.bnf.fr/, en mode image, 95 pages. La logique eût préféré un la Deffence et l’illustration de la langue françoyse, un les Deffence et illustration de la langue françoyse ou un Deffence et illustration de la langue françoyse.
Pour le Petit Robert 2 de 1987, le Dictionnaire Hachette électronique de 1998 et le Petit Larousse de 2004, pas d’article initial dans le titre.

V. aussi ici la leçon 305.


• Note 77 du 14 octobre 2006. Dans la lignée de la Deffence et illustration de la langue françoyse, 1549, de Joachim Du Bellay, 2
Ainsi que le proclamait l’autre, un verre à la main : « Je suis pour la défense de la langue française comme disait Joachim Du Baileys. »

 

• Note 78 du 21 octobre 2006. Etats-unien : gare aux malentendus avec nos amis canadiens francophones
Selon le document intitulé la Qualité du français à Radio-Canada, publié en automne 2004, téléchargeable à partir d’ici, le terme états-unien est péjoratif au Canada ; ce qui n’est pas le cas en France, où il est neutre ou quasi neutre (a).
Peut-être le mot a-t-il été créé au Canada avec une intention péjorative puis importé en France par des journalistes qui n’avaient pas pris conscience de cette dimension. On sait qu’ils ne se préoccupent pas de ce genre de détails et que seule leur importe la nouveauté (b).
Les dictionnaires français qui mentionnent des québécismes (c) dans leur nomenclature, comme le Larousse, devraient signaler cette nuance importante.

a. Il est vrai qu’a posteriori on sent dans états-unien une intention de rabaisser, de remettre à leur place les soi-disant Américains, qui par la sémantique monopolisent indûment l’Amérique. Noter également que les Mexicains pourraient, eux aussi, être appelés des Etats-uniens (le nom officiel de leur pays étant Estados unidos mexicanos).
b. Néolâtrie.
c. Pourquoi québécisme plutôt que québéquisme, pourtant logique ?

 

• Note 79 du 22 octobre 2006. Bagdadien, cachemirien
De même que la Qualité du français à Radio-Canada préfère bagdadien à bagdadi, je préfère de beaucoup cachemirien (a) à cachemiri. Les marchands de peignes, eux, comme les pies, adorent tout ce qui brille.

a. Cachemirien existe dans le dictionnaire de Littré au sens de « langue parlée dans le Cachemir [sic, sans e] » .

 

• Note 80 du 25 octobre 2006. Radio-Canada et la relecture des textes avant diffusion
–– Extrait du rapport publié en 2003 Un français de qualité : une priorité pour Radio-Canada, p. 61
« Les journalistes des salles de nouvelles et des émissions d’affaires publiques doivent travailler rapidement ; préoccupés par la justesse de l’information, ils n’ont pas toujours le temps de s’attarder [sic...] à la qualité du français de leurs textes. D’un autre côté, les auditeurs tolèrent beaucoup moins les fautes trouvées dans des textes écrits, comme le sont ceux des nouvelles, que celles qu’ils relèvent dans une conversation à bâtons rompus. La majorité des personnes consultées voudraient que les textes des journalistes soient systématiquement relus par une personne compétente avant d’être diffusés. [...] Le GTQL [groupe de travail sur la qualité de la langue, présidé par Yanick Villedieu] recommande que la relecture et la correction [a] des textes des journalistes et des lecteurs fassent systématiquement partie du processus de production de l’information. »
Le rapport est téléchargeable à partir d’ici.

a. Qu’est-ce qu’un relecteur, ou correcteur ? Voir dans la note 100 une plaisante défintion et une définition plaisante d’Alexandre Vialatte.

 

• Note 81 du 26 octobre 2006. Les médias me rendent malade, 44
–– Ladite nouvelle orthographe et celle qui n’a jamais existé, 1
La nouvelle orthographe issue de la réforme (a) Rocard de 1990 a encore ses adeptes et ses sectateurs. Parmi eux, la délégation générale à la langue française et aux langues de France (DGLF, ou DGLFLF [b]) dans son rapport de 2006 (téléchargeable ici) au Parlement.
Ça donne ceci, entre autres :
connaitre et maitriser la langue française [c’est trop drôle dans ce contexte] ;
deux-cents associations ;
– le mois d’aout ;
entraineur ;
– de surcroit ;
– les chaines télévisées.
Non contente de néographier – ou de bêtifier – en moderniste proche du peuple, la DGLFLF ajoute ses nombreuses cacographies personnelles, comme celles-ci (nous ne parlerons pas des formulations agrammaticales, qui ne sont pas absentes non plus, ni du bourdon – phrase inachevée – de la page 140 en fin d’encadré ni des erreurs de ponctuation) :
– mettant en exergue les particularité du créoles [2 fautes, p. 130] ;
le primauté de Radio Guyane reste toutefois incontesté [2 fautes, p. 137] ;
– soit pour une semaine complète, près que 15h30 de programmes dédiés en langue régionale [1 faute, p. 130] ;
– en deux ans, la PDA [part d’audience] des chaines du câble et du satellite ont progressé de 8 points [1 faute, p. 135] ;
sont ci-dessous explicités un certain nombre de difficultés auxquelles sont confrontés les services de la direction générale de l’aviation civile [1 faute, p. 40] ;
– tours de la cathédrales de Chartres [1 faute, p. 118] ;
dites le en ch’ti [...], parlez vous normand ? [2 fautes de trait d’union, p. 126]
– le Laos s’est exprimée en Lao [...], l’Albanie s’est exprimé en français [3 fautes, dont une faute de majuscule, p. 95].
Pour finir, voici dans une même phrase un mesclun de fautes :
–  primo par rapport aux règles en vigueur dans l’ancienne orthographe ;
–  secundo par rapport aux règles en vigueur dans la nouvelle orthographe ;
– et tertio par rapport à l’article 11 du décret du 3 juillet 1996 relatif à l’enrichissement de la langue française, lequel décret fait obligation aux administrations et aux services de l’Etat d’employer, dès leur parution au Journal officiel, les termes adoptés par la commission générale de terminologie et de néologie.
– Texte original (p. 136)
A noter également, une progression sur les 1es et 2es parties de soirées, l’access et sur les débuts d’après midi.
– Texte corrigé
A noter également une progression sur les 1res et 2es parties de soirée, l’avant-soirée (c) et sur les débuts d’après-midi (d).

a. Selon Maurice Druon, secrétaire perpétuel honoraire de l’Académie française, le terme réforme est ici impropre.
b. A ceux qui désireraient écrire à la DGLFLF : l’adresse de courriel de la page d’accueil (dglf@culture.gouv.fr) est erronée, la bonne adresse est dglflf@culture.gouv.fr.
c. Selon http://www.criter.dglf.culture.gouv.fr/pls/DGPB/rechercher.recherche_fiche_service?action=Consulter, le terme avant-soirée a été proposé en 2005 en remplacement d’access.
d. Si l’on avait gardé parties de soirées (avec un s à soirées), parallèlement il eût fallu écrire selon la nouvelle orthographe débuts d’après-midis (avec un s à après-midis) ; en effet après-midi est invariable selon l’orthographe traditionnelle mais variable selon la nouvelle. En résumé, la DGLFLF ne maîtrise ni l’orthographe traditionnelle ni la nouvelle.

> Suite. 14 décembre 2006, reçu une réponse du chef de la mission emploi et diffusion de la langue française de la DGLFLF à mon courriel du 14 novembre signalant les innombrables coquilles ci-dessus. Substance de la réponse : certains textes de ce rapport annuel sont publiés tels qu’ils sont reçus, sans relecture ; il n’y a pas de budget pour une relecture-correction. (A propos du rôle des correcteurs et de leur utilité, lire ici les notes 100 et 101. Voyez aussi la note 256, où l’on lira des maladresses flagrantes qui auraient dues être redressées par le correcteur.)
Le ministère de la Culture préfère donc investir quelques dizaines (?) de milliers d’euros dans une sculpture représentant un être à tête de chat effrayé sur un lit à baldaquin couronné de stalactites, comme celle se trouvant actuellement dans la cour du bâtiment Bons-Enfants - Saint-Honoré du ministère (photo ici), que quelques centaines d’euros dans un travail indispensable de relecture. J’ai parlé de cette sculpture bêtifiante dans la note 13.

 

• Note 82 du 26 octobre 2006. Les médias me rendent malade, 45
–– Ladite nouvelle orthographe et celle qui n’a jamais existé, 2

Selon http://www.orthographe-recommandee.info/, « une nouvelle version du correcteur orthographique français pour la suite logicielle libre [...] OpenOffice.org est désormais disponible en ligne et tient compte de la nouvelle orthographe ». Si les béotiens de la programmation s’y mettent, prêts à servir n’importe quelle cause qu’ils ne comprennent pas ! Sutor, ne ultra crepidam.

 

• Note 83 du 26 octobre 2006. Les médias me rendent malade, 46
–– Ladite nouvelle orthographe et celle qui n’a jamais existé, 3

Dans ladite nouvelle orthographe, le participe passé de laisser suivi d’un infinitif est invariable. Ainsi je les ai laissés partir devient-il je les ai laissé partir.
On perd donc la nuance de sens entre, par exemple, je les ai laissés tuer et je les ai laissé tuer ou je les ai laissés manger et je les ai laissé manger ou encore entre je les ai laissés voir et je les ai laissé voir, donc on appauvrit la langue écrite. Bien vu, l’aveugle !

 

• Note 84 du 12 novembre 2006. Les médias me rendent malade, 47
–– Mots clés : prononciation idiosyncratique, orthophoniste

Il y a trois semaines environ, Mathieu Vidard dans son émission sur l’actualité des sciences, la Tête au carré, sur France Inter prononce guéko le mot gecko (nom d’un lézard).
Sur France Info, il y a une quinzaine de jours : funiculaire est prononcé finiculaire à trois ou quatre reprises (à propos du funiculaire de la ville d’Evian).
Ce jour sur France Info : liposuccion est prononcé liposussion, et œstrogène est prononcé eustrogène (a).
Bien dit, le bègue !

a. Il faudrait prononcer jéko, funiculaire, liposuksion et estrogène.
Idem le vendredi 2 février 2007 à 14 h 47 dans l’émission de Mathieu Vidard : Caroline, une journaliste, cite des cas de gynécomastie, parle d’œstrogènes et prononce eustrogène.

 

• Note 85 du 13 novembre 2006. Les médias me rendent malade, 48
–– Aristonymes
J’écrivais dans ma note 9 : « Une mode de langage : chaque jour depuis quelques années, la plupart des journalistes nous disent qu’Untel ou Unetelle expliquent, alors que personne n’explique rien, mais dit ou déclare. »
On peut dire la même chose d’avouer. Exemple : « Le capitaine des pompiers Dupont-Durand a lutté dix jours et dix nuits contre le feu : “Je suis exténué. Je vais prendre un après-midi de repos”, avoue-t-il. [a] » Les mercelots osent tout.

a. La variante reconnaître aurait été aussi inappropriée qu’avouer ; je crois néanmoins l’avoir entendue.

 

• Note 86 du 14 novembre 2006. Les médias me rendent malade, 49
–– Familiarité (a), désinvolture, 1
17 h 3, sur France Info, compte rendu du procès d’un chauffard de Thionville qui, en septembre, ivre et sans permis au volant d’une ambulance qu’il avait volée, avait tué une personne et en avait blessé grièvement trois. Commentaire du marchand de peignes : « Il écope de six ans de prison. »
La familiarité, la désinvolture du mot écope minimise la gravité de l’affaire ; elle met le verdict au niveau d’un jeu ou d’une loterie ; elle insulte aux victimes, aux parents des victimes et à la justice.
Quand le mercelot n’amplifie pas, quand il ne maximise pas, il minimise. La clef est ici : il ne sait pas quoi faire pour se faire remarquer.
–– Paresse d’expression
17 h 7, sur France Info : « le Parlement du Cap devient le premier pays » à légaliser le mariage homosexuel. Par paresse d’expression le Parlement du Cap est devenu un pays (b).

a. La familiarité qui parfois fait peuple voire voyou et toujours fait sot a envahi les médias depuis une vingtaine d’années ; l’arrivée des socialistes aux affaires en 1981 a lâché des bondes.
Voici quelques exemples datant de 2006 qui relèvent de la désinvolture dédaigneuse qui dit « on ne me la fait pas », de l’affectation d’émancipation, de l’affectation d’indépendance d’esprit, de l’affectation d’impertinence ou de l’affectation de connivence et non plus de la malséance : Nicolas Sarkozy « ne s’est fendu d’aucun commentaire » (LCI, 9 mai) ; un député « bosse jour et nuit » (France Info) ; tel général est « une pointure de l’armée américaine » (France Info, 18 avril). Pour les cinq années qui viennent, je prédis sans risque des commentaires dans le style « les bombardements de la nuit dernière ont complètement niqué les quartiers sud de Beyrouth ».
b. Même chose à http://www.cyberpresse.ca/article/20061114/CPMONDE/611140855/1034/CPMONDE reprenant une information de l’Agence France-Presse : « Le Parlement sud-africain a voté mardi une loi autorisant le mariage homosexuel, devenant ainsi le premier pays du continent à légaliser l’union entre deux personnes du même sexe. » (Copie d’écran.)

> Suite dans la note 93, ci-dessous.

 

• Note 87 du 19 novembre 2006. De neutre à péjoratif
Le mot hardes n’a pas toujours été péjoratif, c’est ce que j’avais cru sentir en lisant ces derniers jours deux romans de Marivaux. Littré confirme pour le XIXe siècle :
hardes. S. f. pl. Tout ce qui est d’un usage ordinaire pour l’habillement. De vieilles hardes. De bonnes hardes.

 

• Note 88 du 30 novembre 2006. Forvêtu
Croisé un SDF (SDF, aristonyme de clochard) malodorant, hirsute et poussant un chariot. Il était habillé d’un long et élégant manteau clair flambant neuf, probablement un don d’une association caritative (caritatif, aristonyme de charitable). Ce n’est pas un spectacle rare ni nouveau, et vous avez probablement rencontré un de ces hommes ; on les appelait autrefois des forvêtus.

forvêtu. S. m. Terme vieilli. Homme de néant à qui on a mis un bel habit sur le corps. (L’Académie écrit fort-vêtu, mais c’est une mauvaise orthographe. Fort-vêtu ne pourrait rien signifier. C’est forvêtu qu’il faut écrire, c’est-à-dire vêtu hors de sa condition. On n’a qu’à comparer les autres composés avec fors pour se convaincre qu’il en est ainsi.) [Littré.]

 

• Note 89 du 3 décembre 2006. Cdlt, CQFD
Dès que j’aurai un peu de temps, il faudra que je parle de ces personnes – rares encore – qui dans leurs courriels utilisent Cdlt comme abréviation de la formule de politesse Cordialement (a).
« Bonjour, Monsieur,
J’ai bien eu votre mail et je [etc.].
Cdlt.
Balthazar »
Tout le contraire de la forvêture (voir la note précédente) : c’est la politesse qui s’habille de désinvolture et de vulgarité.
Rencontré deux occurrences en deux ans, certes c’est peu ; mais comme on peut craindre que la mauvaise monnaie ne chasse la bonne...

a. Je me soumets fréquemment cette réflexion : ce site ne pourrait-il pas s’appeler Incroyable mais vrai et presque chaque note être intitulée Incroyable mais vrai ?

 

• Note 90 du 4 décembre 2006. Eprouvantable
Un intéressant mot-valise créé par une lectrice : éprouvantable.
Pour néologiser, la mot-valisation est un procédé riche de possibilités et économe en moyens ; avec deux acceptions (éprouvant, épouvantable) on en fait une troisième sans rendre caduques les deux premières.

 

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