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Comment écrire au président de la République
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• 18 mars 2018
Leçon 432. – Des correcteurs incompétents, oui il en existe, 1
Extrait du Dictionnaire des délicatesses du français contemporain* de Renaud Camus :
à l’envi. A l’envi est le cauchemar de l’écrivain, de nos jours. Jadis les imprimeurs enlevaient des fautes, dans les textes, maintenant il n’est pas rare qu’ils en ajoutent. Quelques-uns d’entre eux ont une passion, en particulier, pour mettre un e à à l’envi.
On est sûr d’avoir bien écrit à l’envi [...]. Premières epreuves : à l’envie. On corrige, on enlève le e. Deuxièmes épreuves : il a été rétabli, re-à l’envie. On commence à s’irriter, on se plaint à l’éditeur. Il vous prodigue toute sorte d’assurances. Le livre paraît : à l’envie. Et vous, vous surtout, vous qui vous mêlez sans cesse de donner aux autres des leçons, vous avez l’air malin...
Voilà qui est douteux ou mal tourné. Aujourd’hui les imprimeurs impriment ce qu’on leur donne à imprimer ; les livres ne sont pas lus ni corrigés dans les imprimeries, ce sont les éditeurs, les secrétaires d’édition et les correcteurs (chez l’éditeur ou à domicile) qui lisent, relisent et corrigent.
En revanche, oui, il existe des correcteurs d’édition (et de presse) incompétents, des Pieds nickelés et des boulets, par exemple des pistonnés ou des gens sélectionnés non pas en fonction de leurs compétences, mais parmi ceux qui acceptent les rémunérations les plus basses.
Il arrive qu’un maquettiste se mêle de modifier une graphie qu’il croit fautive, mais c’est rare.
Cela dit, de bonnes choses, des choses intéressantes, de nombreuses considérations auxquelles nous souscrivons sans réserve dans ce Dictionnaire, mais, oh là là, un très sérieux décoquillage s’impose !
Autres leçons où il est parlé du Dictionnaire des délicatesses du français contemporain de Renaud Camus : ci-dessous sur cette page, les 433, 435, 436, 443, 444 ; et la 528 ici.
Mise à jour, avril 2020. Ici un article complet du Dictionnaire des délicatesses du français contemporain sur madame et monsieur : https://www.flickr.com/photos/renaud-camus/49717092797/ (archive : https://web.archive.org/web/20200331081036/https://www.flickr.com/photos/renaud-camus/49717092797/).
À signaler : en opposition très marqué ; pas grand chose ; Ne dîtes jamais ; Que ce ne soit pas incompatible, il va sans dire ; cette profusion [...] eussent évoqué ; quelque colloques ; le petit r en exposition ; le temps de rois ; Elle exige ou plutôt elle exigeait, [ponctuation] qu’en s’adressant à une personne, on ne fasse pas suivre l’interpellation du nom propre de la personne ; l’ancien régime, le nouvel ancien régime [minuscules]...
Texte raboteux, difficile à comprendre à cause de l’absence d’italique (il eût fallu pallier cette absence par des guillemets) et une mauvaise mise en page (l’astérisque de « enveloppes »).
Le seul correcteur qu’a jamais dû voir ce texte, c’est l’auteur lui-même, trop préoccupé par le fond pour voir la forme.
Flickr, comme Facebook, est un très mauvais outil pour le texte, on ne peut, semble-t-il, y faire ni de l’italique (voir ici « le petit r »), ni du gras, ni des exposants, ni des insécables...
On peut lire aussi un très verbeu et très bourratif article du Dictionnaire sur l’utilisation contemporaine (et envahissante) des prénoms ici : https://www.flickr.com/photos/renaud-camus/49744081822 ( Mise à jour, 2023 : page supprimée).
Heureusement, M. Camus soigne sa graphomanie par ses tweets.
————
* Ne pas confondre avec le Répertoire des délicatesses du français contemporain du même Renaud Camus.
• 18 mars 2018
Leçon 433. – Qu’est-ce que relire ?
— « Les éditeurs, les secrétaires d’édition et les correcteurs [...] relisent », écrivions-nous plus haut. Ce que dans le métier on appelle relire n’est pas lire une nouvelle fois, mais c’est lire très attentivement : les correcteurs donc relisent, ils ne lisent pas.
Certains grammairiens l’ont souligné, en français le préfixe re n’indique pas toujours la répétition.
— L’article cité dans la leçon 432 ci-dessus me rappelle à l’envers un texte d’Alexandre Vialatte cité ici dans la leçon 100. Même rythme :
Les correcteurs. On fait une faute, ils la corrigent ; on la maintient, ils la recorrigent ; on l’exige, ils la refusent ; on se bat au téléphone, on remue des bibliothèques, on s’aperçoit qu’ils ont raison. Mieux vaut abandonner tout de suite.
• 19 mars 2018
Leçon 434. – Françoise Nyssen, ministre de la Culture, étrillée par latribunedelart.com
Françoise Nyssen, ministre de la Culture, était auditionnée le 14 mars dernier par la Commission des Affaires étrangères de l’Assemblée Nationale. On ne saurait décrire complètement la chose, il faut regarder la vidéo pour y croire. Comme à son habitude, la ministre ne finit pas ses phrases, bafouille, multiplie les lapsus, et, bien entendu, ne connait [connaît] pas ses dossiers. Nous ne nous attacherons ici à relever ses erreurs que pour ce qui nous concerne, à savoir essentiellement les musées et le patrimoine. Mais aucun sujet n’a été traité de manière claire et il fallait une bonne dose d’inconscience ou d’humour (nous penchons pour la première hypothèse) à Marielle de Sernèze [Sarnez], la président [présidente] de cette commission, pour conclure qu’ils avaient passé « deux heures formidables » avec la ministre.
Il serait particulièrement cruel, et surtout illisible, de reprendre le verbatim intégral de ses déclarations et de ses réponses, marquées par des hésitations incessantes et des rires niais. Nous retranscrirons cependant quelques passages, en supprimant les hésitations, les répétitions de mots ou les « euh », sauf quand ils font sens car ils démontrent l’ignorance de la ministre sur certains sujets. Nous n’avons pas ajouté de sic, car il y en aurait absolument partout.
Certains passages cités dans l’article sont de beaux exemples de galimatias et d’approximations satisfaits. Comme ça fait du bien, de constater que certains journalistes dans le climat persistant et général de mutisme soumis ou de fausse rébellion montrent qu’ils ne sont pas dupes, le disent, le clament. Bravo, Didier Rykner.
Archive : http://archive.is/6kSo3
• 20 mars 2018
Leçon 435. – Des correcteurs incompétents, oui il en existe, 2
Cette leçon devrait plutôt s’intituler « Les correcteurs sont indispensables ».
Le Dictionnaire des délicatesses du français contemporain reprend et augmente le Répertoire des délicatesses du français contemporain (chez P.O.L., 2011), dont on pourra se faire une idée en lisant certaines de ses pages publiques sur books.google.fr : http://bit.ly/2DFtYRR.
On remarque que certaines des coquilles du Dictionnaire sont absentes du Répertoire, comme « français d’exportataion » au lieu de « français d’exportation » ou « de façon erronnée » au lieu de « de façon erronée » : on peut donc supposer que Renaud Camus a repris la version non corrigée de son manuscrit de 2011 pour l’augmenter et en faire son Dictionnaire.
Excès de confiance en soi : l’auteur est myope, et le correcteur est une aide dont il ne peut se passer. Même le correcteur qui publie un ouvrage personnel se sera fait relire par un correcteur professionnel — comme on dit parfois plaisamment en haussant les sourcils : c’est un métier.
Mise à jour. L’édition du Répertoire présentée sur books.google.fr date, semble-t-il, de 2011, mais la première édition daterait de 2000, chez P.O.L.
• 20 mars 2018
Leçon 436. – Des correcteurs incompétents, oui il en existe, 3
En revanche le « A la limite je lui foutais mon point dans la gueule, au mec » n’a pas été vu ni corrigé par le correcteur de P.O.L. :
In Répertoire des délicatesses du français contemporain, chez P.O.L. (books.google.fr)
Ni ici :
Notons toutefois que depuis peut parfaitement être suivi d’un nom de lieu, sans que nul n’y trouve à redire légitimement, lorsque ce nom...
In Répertoire des délicatesses du français contemporain, chez P.O.L. (books.google.fr)
Ces deux coquilles sont également présentes dans la version 2018 du Dictionnaire des délicatesses.
Il arrive que l’attention du correcteur se relâche — l’attention, c’est 70 % du métier ; c’est même, selon nous, ce qui fait le plus sa difficulté. (Laisser passer une coquille ou deux dans un livre de 400 pages ne fait pas d’un correcteur un incompétent —, surtout si le manuscrit est truffé de coquilles, d’incorrections, de maladresses ou d’erreurs ; dans ce cas une deuxième relecture devrait s’imposer ; les cas ne sont pas rares de manuscrits torchons qu’il faut lessiver deux fois avant publication.)
Mise à jour. Houp ! trouvé d’autres coquilles laissées par le correcteur de P.O.L. ; nous n’en ferons pas l’énumération, afin de ne pas alourdir notre propos.
• 21 mars 2018
Leçon 437. – « Je ne supporte plus les fake news et autres start-up »
Article de Jean-Michel Delacomptée, écrivain.
Je ne supporte pas la honte que nous semblons avoir de notre langue, qui se manifeste par l’anglomanie dans la langue standard. [...] Je ne supporte plus les fake news et autres start-up. J’ai honte de la honte de mes compatriotes. Pourquoi cette honte de soi ?
[...]
Il en va de la démocratie et de la possibilité de penser librement et par soi-même.
Mieux : « Il y va de la démocratie et de la possibilité »...
• 22 mars 2018
Leçon 438. – Houp !
Comme Jean-Michel Delacomptée, chaque jour plus adversaire des anglicismes, surtout s’ils sont à la mode.
— houp, interj.
Sert pour appeler ou houper quelqu’un, ou pour exciter un cheval.
— houper, v. a.
Terme de chasse. Appeler son compagnon par un houp.
Se houper, v. réfl. S’appeler réciproquement.
Dans le Soissonnais, houper signifie tousser : toux houpante, toux de la coqueluche.
Les francophones à la mode et les anglophones disent oups ! mais, nous, nous avons envie de dire houp !
• 29 mars 2018
Leçon 439. – Encore « sauf à », 1/4
Un écrivain contemporain qui a à son actif une centaine de livres déclare que sauf à ne signifie nullement à moins de (ce qui est parfaitement juste), et qu’on peut écrire... :
Il ne comprenait rien de ce qu’il lisait, sauf à s’aider d’un dictionnaire.
Cette phrase, qui ne peut être qu’humoristique, signifie : « S’il s’aidait d’un dictionnaire, il parvenait à ne rien comprendre », « Grâce à l’utilisation d’un dictionnaire, il réussissait à ne rien comprendre », « A condition de s’aider d’un dictionnaire, il parvenait à ne rien comprendre ».
Gros contresens donc, puisque l’auteur n’a aucune intention humoristique.
Pour dire « il ne comprenait rien de ce qu’il lisait, à moins de s’aider d’un dictionnaire » (ou, l’équivalent, « il ne comprenait rien de ce qu’il lisait, sauf s’il s’aidait d’un dictionnaire ») en utilisant sauf à, il faut renverser totalement ou partiellement le sens du début de la phrase incriminée :
Il comprenait tout (ou presque tout/une partie/une grande partie) de ce qu’il lisait, sauf à s’aider d’un dictionnaire.
En résumé, l’auteur a beau savoir et déclarer que sauf à ne signifie nullement à moins de, il utilise sauf à comme un à moins de ou un sauf si.
Cela prouve que le maniement de sauf à est très délicat même pour des gens à la langue bien affûtée.
Mise à jour. Regroupement de nos leçons sur sauf à augmenté de plusieurs addenda : http://lesmediasmerendentmalade.fr/annexe7.html.
• 31 mars 2018
Leçon 440. – « Notre story », « la battle des idées »...
« Notre story sur le retour mouvementé de la station Tiangong-1 sur Terre », Leparisien.fr de ce 31 mars 2018.
Bientôt toutes les nouvelles de Leparisien.fr rédigées entièrement en anglais.
Et chez Salut, les Terriens, émission de télévision, c’est « la battle des idées ». C’est pitoyable, cela s’appelle bêtifier ou régresser. Les journalistes se plaisent à ressembler chaque jour un peu plus à leur pire caricature.
• 2 avril 2018
Leçon 441. – Encore « sauf à », 2/4
Noter qu’il y a un autre sauf à, de plus large utilité quoique peu utilisé, sauf à... de :
Vous pouvez affirmer ce que bon vous semble, sauf à moi de vous répondre et de démontrer que vous êtes dans l’erreur ou que vous mentez
ou
Vous pouvez écrire ce que bon vous semble, sauf au lecteur de vous croire ou pas.
Les deux exemples ci-dessus ont été forgés par nous-même à partir de la citation que donne Littré sous sauf à ; sauf à... de y a le sens de libre à... de :
Sauf à vous d’admettre ou rejeter mon opinion, quand vous saurez sur quoi je la fonde, Rousseau, Dial. 2.
Autre acception de sauf à... de, selon le Nouveau Larousse illustré (sept volumes, 1897-1903) ; sauf à... de a le sens de à la condition de :
• sauf à... de, à la condition de. Vous ne serez pas trompé, sauf à vous de prendre vos précautions.
Pour le Dictionnaire national ou universel [sic] de la langue française de Bescherelle de l’édition de 1856, on dit sauf à... à et non sauf à... de :
Sauf à vous à me reprendre si je me trompe.
Mise à jour. Regroupement de nos leçons sur sauf à augmenté de plusieurs addenda : http://lesmediasmerendentmalade.fr/annexe7.html.
• 2 avril 2018
Leçon 442. – Un contronyme peu remarqué
Un contronyme peu remarqué, il signifie une chose et son contraire. Extrait de Littré :
dédoubler, v. a.
1. Défaire le double. Cette serviette est pliée en double ; dédoublez-la.
[...]
4. Partager en deux. Dédoubler un bataillon, une classe de collége*.
Selon la première définition, de deux on fait un ; selon la deuxième définition, de un on fait deux. Un contronyme très gênant, comme tous les contronymes (hôte, louer [un logement], etc.).
Plus qu’une curiosité dont on doit s’amuser, le contronyme est une maladie de la langue.
Contronyme : on dit aussi énantiosème, beaucoup moins parlant et beaucoup trop long.
————
* Collége, avec un aigu, est la graphie de Littré et du XIXe siècle.
• 3 avril 2018
Leçon 443. – Dictionnaire des délicatesses du français contemporain, de Renaud Camus, compte rendu de lecture
Nous avons terminé il y a quelques jours la lecture du Dictionnaire des délicatesses du français contemporain (lecture payante sur le web* ; 30 euros), de Renaud Camus, en voici un bref compte rendu.
Peu de considérations originales dans ce livre (beaucoup de ce que l’auteur dit, nous le disons et l’écrivons ici depuis 2006 ou bien on le trouve dans ces ouvrages très répandus du type « dites, ne dites pas ») ; quelques approximations sur les règles et sur les pratiques de la ponctuation et sur les règles et sur les pratiques de l’écriture des titres d’œuvres nous ont surpris, mais surtout un grand nombre de grosses coquilles et de cafouillages rendent la lecture cahotante (nous en avons averti l’auteur à partir du 17 mars par plusieurs courriels, il n’a pas accusé réception, et à ce jour aucune correction n’a été faite).
Le pâté de coquilles est particulièrement indigeste dans un ouvrage qui s’intitule dictionnaire et qui prône un français exigeant ; il y a là une contradiction.
D’accord avec l’auteur sur presque tout (à 90 %), mais c’est en grande partie être d’accord avec nous-même, puisqu’une grande partie de ce que dit Renaud Camus nous l’avons dit ici même dans l’une ou l’autre de nos 775 notes ou leçons. En lisant notre site, le lecteur économisera donc 30 euros.
Mise à jour du 26 août 2019. Voir la leçon 528.
• 3 avril 2018
Leçon 444. – Encore « sauf à », 3/4
L’auteur dont il est question dans la leçon 439 est Renaud Camus.
La phrase exacte qu’il présente dans son Dictionnaire des délicatesses du français contemporain* comme exemple de bonne utilisation de sauf à est une autocitation :
Bien entendu, comme d’habitude on n’y comprenait rien [à un opéra], sauf à s’aider du texte écrit, ce que je faisais quand la lumière le permettait (Renaud Camus, Journal romain, 1985-86, Hachette P.O.L, 1987, p. 79, 24 novembre 1985).
Il n’est pas forcément bon de s’autociter ; et s’autociter est assez peu banal dans un dictionnaire.
Si par extraordinaire l’auteur décidait — bien tardivement — de défendre par courriel à nous adressé ses sauf à que nous jugeons fautifs, nous nous empresserions de le citer ici. Précisons que nous n’avons jamais été péremptoire dans nos courriels et que nous avons, exemples ou arguments à l’appui, invité l’auteur à reconsidérer ses choix ou à bien vouloir nous les expliquer.
Nous nous rappelons à cette occasion que l’Académie française n’avait pas répondu à une de nos remarques sur un emploi fautif du verbe démultiplier, mais qu’elle avait fait la correction que nous lui suggérions (voir les leçons 319 et 339 entre autres).
Ici et là une affaire d’ego. Il y a des marches à monter entre nous et eux, et il nous faut montrer que l’ascension fut pénible — au moins quelque signe d’épuisement.
Il nous faudra citer un autre sauf à de l’auteur quand nous l’aurons retrouvé. ( Mise à jour, 2019. Il y a même quatre autres sauf à fautifs dans le Dictionnaire des délicatesses : sous une des entrées de A, de G, de I et de R.)
Mise à jour du 11 janvier 2020
— La faute « sauf à s’aider » signalée à l’auteur est toujours là dans le Dictionnaire des délicatesses du français contemporain (pas regardé les quatre autres occurrences).
— Extrait du Journal du même Renaud Camus du jeudi 9 janvier 2020 :
J’aime à croire que ce dont il m’est fait grief est l’effet de mon désir de ne rien** laisser se perdre de la langue, d’en conserver toutes les richesses, d’en entretenir soigneusement tous les chemins, ne serait-ce qu’en les empruntant aussi souvent que possible : expressions désuètes, tournures tombées dans l’oubli, acceptions hors d’usage. Je puis être assez militant, sur ce point, en mon désir de ne pas laisser se réduire le clavier du français, de lutter de toutes mes forces, dans la mesure de mes moyens, contre cette réduction en une sorte de pidgin french dont il fait l’objet, et qui n’a certes pas l’excuse, elle, de l’universalité. Ainsi je m’obstine à pratiquer l’imparfait du subjonctif, en partie à cause de ses vertus comiques, ironisantes, distançantes ; mais aussi et surtout parce que je suis convaincu que l’ancienne concordance des temps était un système très précieux, en effet, cette fois en un tout autre sens ; et qui ne saurait tolérer aucun retranchement, sauf à dépérir tout entier***.
Excellent début avec ce « mon désir de ne rien laisser se perdre de la langue, d’en conserver toutes les richesses, d’en entretenir soigneusement tous les chemins, ne serait-ce qu’en les empruntant aussi souvent que possible : expressions désuètes, tournures tombées dans l’oubli, acceptions hors d’usage », mais le sauf à de la fin est fautif.
Mieux que distançantes serait distanciantes (distancer n’est pas distancier).
Mise à jour. Regroupement de nos leçons sur sauf à augmenté de plusieurs addenda : http://lesmediasmerendentmalade.fr/annexe7.html.
————
* Compte rendu de lecture du Dictionnaire des délicatesses du français contemporain dans la leçon 443 ci-dessus et passim.
** Ne rien laisser ? sympathique utopie. Le risque est, entre autres, que le lecteur ne commette de gros contresens, le sens de nombreux mots ayant changé (voir la leçon 861). Un exemple, le sens ancien et premier de besogneux :
Qui est dans la gêne, dans le besoin.
Aujourd’hui cette signification est disparue (voir, par exemple, le Petit Larousse illustré de 2011), besogne travail a détrôné besogne besoin. Solution, utiliser la graphie ancienne besoigneux (prononcée comme besogneux) pour indiquer l’archaïsme ?
La dernière édition du Dictionnaire de l’Académie oublie de préciser que besogneux au sens de « qui est dans le besoin » est vieilli ou vieux (vieilli, vieux, voir la leçon 775), alors qu’elle le faisait — quoique à tort selon nous — pour une acception de rétorquer (voir la leçon 1037).
*** https://www.facebook.com/renaud.camus.16/posts/2461372223986243 (archive : https://web.archive.org/web/20200111204307/https://www.facebook.com/renaud.camus.16/posts/2461372223986243)
• 4 avril 2018
Leçon 445. – « gréviculteur »
Un joli néologisme entendu ce jour à propos de la grève de la SNCF : « gréviculteur » (« On n’est pas des gréviculteurs ! », déclare un syndiqué).
• 4 avril 2018
Leçon 446. – Quelle « grève perlée » à la SNCF ?
La grève par épisode[s], « deux jours sur cinq », annoncée à la SNCF par trois syndicats (CGT, Unsa, CFDT) jusqu’au 28 juin, n’est pas une « grève perlée », contrairement à ce qui a parfois été évoqué. « La grève perlée n’est pas une grève, c’est un travail exercé au ralenti ou mal, explique Me Toumieux. Ce n’est pas un arrêt de travail, donc cela ne rentre pas dans la définition de la grève au sens du droit du travail »*.
En revanche on constate que certains journassots font bien une grève perlée du bon sens, de la syntaxe, de l’orthographe, du lexique et du sens depuis nombre d’années.
Remarquer l’euphémisme « contrairement à ce qui a parfois été évoqué » : il eût fallu dire « contrairement à ce que certains journalistes ont dit ».
Ah, le bel euphémisme qu’« évoquer », mot à la mode et présent dans presque toutes les sauces médiatiques, l’étouffe-chrétien habituel, la langue de bois des endormeurs, des pudibonds, des menteurs, des décérébrateurs professionnels.
Le poison médiatique à petites ou à grosses doses répétées est mortel pour la France. Mortel. Il finit par diminuer insidieusement nos capacités de jugement.
• 4 avril 2018
Leçon 447. – Encore « évoquer »
Nous parlions du mot « évoquer » dans la leçon précédente. Voici un exemple du jour dans un article intitulé « “Invasion migratoire” : amende avec sursis requise contre Dupont-Aignan » :
Le parquet de Paris a requis aujourd’hui 5.000 euros d’amende avec sursis contre Nicolas Dupont-Aignan, président de Debout La France, jugé pour provocation à la haine ou à la discrimination pour avoir évoqué une "invasion migratoire".
Le 17 janvier 2017, le député de l’Essonne, alors candidat à l’élection présidentielle, avait tweeté les propos suivants: "En 2016, les socialistes compensent la baisse de natalité par l’invasion migratoire. Le changement de population, c’est maintenant !"
Dupont-Aignan n’a pas évoqué, il a dit. Il a utilisé l’expression. Il a dit qu’il y avait une invasion migratoire. Il serait donc condamné pour avoir dit qu’il y avait une invasion migratoire (jugement à venir, le 6 juin).
Qui est « frileux » sinon celui qui interdit qu’on dise la vérité ?
Archive : http://archive.is/Q8Och
• 5 avril 2018
Leçon 448. – « saccage »
Nous ne nous étions, semble-t-il, jamais avisé que saccage (si nous en croyons la définition de Littré) ne signifiait pas au XIXe siècle (et probablement avant le XIXe siècle et durant une partie du XXe siècle) action de mettre à sac, et n’était donc pas synonyme de pillage, mais d’action de saccager, c’est-à-dire de bouleverser — et bouleverser n’est pas piller. La nuance est importante.
En revanche, selon des dictionnaires plus récents que celui de Littré, saccager signifie à la fois « bouleverser, détruire et piller ».
Une vie, deux vies ne suffiraient pas à maîtriser (mot à la mode et très galvaudé par les journassots, les politicards et autres faiseurs de réclame) le français ni même seulement son lexique, mais ça nous le savions déjà et depuis longtemps : chaque locuteur, même averti, même très averti, a des failles de langue et mourra avec. Nous avons tout récemment trouvé un faux-sens et deux ou trois contresens dans l’ouvrage récent d’un écrivain connu, prolifique et réputé averti et exigeant.
Voyez Littré, qui ne parle ni de vol ni de pillage :
saccage, s. m.
1. Bouleversement, confusion. Ces enfants ont fait un saccage horrible dans le jardin.
2. Populairement. Amas confus. Un saccage de meubles cassés.
• 5 avril 2018
Leçon 449. – « hardes »
Littré :
hardes, s. f. pl.
Tout ce qui est d’un usage ordinaire pour l’habillement. De vieilles hardes. De bonnes hardes.
On voit qu’autrefois le mot était neutre, aujourd’hui il est uniquement dépréciatif. Si le mot s’est ainsi spécialisé, c’est probablement parce qu’il a été utilisé bien plus souvent dans des contextes dépréciatifs (vieilles hardes, mauvaises hardes, sales hardes, hardes de pauvre...) que dans des contextes neutres.
N. B. Le Larousse en ligne ignore le mot hardes :
http://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/harde/39071?q=hardes#38991
• 6 avril 2018
Leçon 450. – Etudiant, dian, dian, ou l’illettrisme, 1
Dossier de presse de l’UNEF (Union nationale des étudiants de France) du 13 mars 2018 : « Parcoursup : le renforcement de la sélection, des inégalités et des discriminations à l’entrée de l’université ».
Trois extraits :
L’autocensure se caractérise à travers les rôles attribués aux hommes et aux femmes dans la société à travers des stéréotypes de genre, par exemple une femme et un homme ayant obtenus les mêmes résultats scolaires ne seront pas orientés de la même manière vers les filières scientifiques. Par le biais des attendus, Parcoursup accentuera ces inégalités déjà très présentes puisque le nombre de filières sélectives ne va faire qu’augmenter. La loi ORE [orientation et réussite des étudiants] de part des demandes annexes aux diplômes, accentuera encore plus l’autocensure car les femmes choisiront des filières « à leurs portée », avec des qualités ou prérequis dont elles pensent disposer actuellement et étant à l’heure portée.
[...]
Le fait d’avoir l’impression que des filières seraient attribuées pour des hommes et d’autres pour des femmes est due à la disparité d’orientation entre les femmes et les hommes à l’école. Aujourd’hui, les femmes travaillent dans des domaines moins valorisés et moins bien payées et sont payées 26% de moins que les hommes.
[...]
L’ascenseur social déjà en panne se voit encore une fois attaqué.
L’attaque de l’ascenseur... L’ascenseur qui se voit... L’attaque d’un ascenseur en panne... Et tout le reste du texte en écriture inclusive.
Déjà et d’une, les étudiants qui ont écrit ce texte ne devraient pas être à l’université, ils devraient être à l’école penchés sur une grammaire française ou sur un dictionnaire.
Téléchargeable ici : http://unef.fr/wp-content/uploads/2018/03/DOSSIER-PARCOURSUP-2018-v4-1.pdf
• 6 avril 2018
Leçon 451. – Etudiant, dian, dian, ou l’illettrisme, 2
Encore quelques citations picorées au hasard :
La loi Orientation et réussite des étudiants donnent la possibilité aux établissements de...
Les critères sur lesquels vont se fonder cette sélection...
Pour attribuer ces points, l’université Toulouse 3 Paul Sabatier demande aux lycéen.ne.s d’attester d’une attestation de délégué de classe...
Des délais qui augmentent une orientation... ?
Nous constatons une fois de plus que l’écriture inclusive (points médians, traits d’union, barres obliques, toute la panoplie, toute la clique bruyante et politiquement correcte est convoquée dans ce dossier) rend la lecture heurtée, cahotante et désagréable ; à ces marques d’inclusion s’ajoutant ici les coquilles, les fautes et les maladresses diverses.
Logiquement, grâce à cette génération d’illettrés, la profession de relecteur-correcteur a un bel avenir.
Comme dit Pascal Praud à propos d’autre chose, « on est chez les mabouls ». Le lent naufrage de tout, le gag permanent.
Téléchargeable ici : http://unef.fr/wp-content/uploads/2018/03/DOSSIER-PARCOURSUP-2018-v4-1.pdf
• 7 avril 2018
Leçon 452. – Ces illettrés qui tentent de nous informer, 1
Allemagne, attentat (ou accident) de Münster : contrairement à ce que déclare le journassot de Francetvinfo.fr ci-dessous, la piste n’est pas écartée.
La piste islamiste écartée. Selon le ministre de l’intérieur du land de Rhénanie Westphalie, Herbert Reul, "rien n’indique pour le moment qu’on ait affaire à des motivations islamistes".
« Rien n’indique » ne signifie nullement que la piste est écartée, et on ne peut même pas affirmer qu’elle est pour le moment écartée.
Il serait bon que les journassots travaillent un peu sur le lexique, en plus de la syntaxe et de l’orthographe.
D’ailleurs deux lignes plus bas on peut lire ceci : « On ignore tout des motivations du suspect »...
Source : https://www.francetvinfo.fr/monde/europe/allemagne/allemagne-ce-que-l-on-sait-et-ce-que-l-on-ne-sait-pas-encore-du-drame-de-munster_2694756.html#xtor=CS1-747
Archive : http://archive.is/hlcI1
• 8 avril 2018
Leçon 453. – Ces illettrés qui tentent de nous informer, 2
Allemagne, attentat (ou accident) de Münster, suite.
Lefigaro.fr* :
Deux personnes sont décédées et une vingtaine d’autres ont été blessées samedi dans la ville allemande. [...] Les autorités tentent de cerner les motivations de son acte alors que la piste de l’attentat a été écartée.
« La piste de l’attentat a été écartée », donc c’est un accident, et c’est involontairement que l’homme a foncé dans le public. De plus, alors que l’auteur de l’article affirme implicitement que c’est un accident, il déclare aussi qu’actuellement on ne connaît pas les motivations de l’homme. Allez comprendre. A coup sûr un attentat au bon sens.
Dictionnaire de l’Académie française :
ATTENTAT n. m. [...] Action violente et criminelle contre les personnes, les biens privés ou publics, les institutions.
Leparisien.fr**
Le dernier bilan hier soir, selon la police de Münster, faisait état de trois morts, dont l’auteur de l’attaque qui s’est suicidé plus tard, et de 20 blessés, dont une dizaine grièvement.
S’il y a eu « attaque », c’est un acte volontaire, donc implicitement pour Leparisien.fr c’est un attentat.
————
* http://www.lefigaro.fr/international/2018/04/07/01003-20180407ARTFIG00109-allemagne-une-voiture-fonce-dans-la-foule-a-muumlnster-plusieurs-morts.php
** http://www.leparisien.fr/faits-divers/attaque-de-munster-la-piste-islamiste-semble-ecartee-08-04-2018-7652439.php
Archives : http://archive.is/mmgr6 et http://archive.is/iVylF
• 10 avril 2018
Leçon 454. – Ces illettrés qui tentent de nous informer, 3
Les illettrés s’entre-copient, pour eux les bris de verre et de bouteille sont des morceaux, des débris de verre et de bouteille.
Les enquêteurs ont retrouvé le couteau dans la chambre de son fils, les bris de verre et de bouteille dans le vide-ordures.
• 10 avril 2018
Leçon 455. – Un « faire » à tout faire, 1
Nous lisons sous la plume d’un dandy antépathe qui se reconnaîtra s’il nous lit cette phrase douteuse : « Ce président de la République ne gouverne pas, il gère comme il le ferait une société anonyme. »
Certes, faire peut remplacer un verbe qu’on ne veut pas répéter dans une comparaison et on peut le faire suivre d’un complément d’objet direct. Voici un exemple (on en trouvera d’autres chez Littré sub verbo « faire ») tiré de La Bruyère (Caractères, « Des femmes ») ; mais ce faire est du XVIIe siècle et n’est plus compris aujourd’hui :
On regarde une femme savante comme on fait une belle arme : elle est ciselée artistement, d’une polissure admirable et d’un travail fort recherché ; c’est une pièce de cabinet, que l’on montre aux curieux.
Ci-dessus comme on fait = comme on regarde.
Conformément à cette pratique des XVIIe et XVIIIe siècles, on pourrait remanier la phrase douteuse en supprimant le le, qui nous semble non seulement inutile, mais aussi fautif (voire : inutile, donc fautif) : « Ce président de la République ne gouverne pas, il gère comme il ferait une société anonyme » (comme il ferait = comme il gérerait). Cependant on serait incompréhensible pour 90 % des lecteurs. En revanche, on pourrait écrire ainsi et être compris de tous :
— Ce président de la République ne gouverne pas, il gère comme il ferait d’une société anonyme.
— Ce président de la République ne gouverne pas, il gère comme il ferait avec une société anonyme.
— Ce président de la République ne gouverne pas, il gère comme le ferait une société anonyme.
Mais aussi, si on veut garder un cachet vieillot et un peu rare :
— Ce président de la République ne gouverne pas, il gère, et fait du pays ainsi que d’une société anonyme.
— Ce président de la République ne gouverne pas, il gère, et fait du pays comme d’une société anonyme.
Suite dans la leçon 463 ci-dessous.
• 11 avril 2018
Leçon 456. – « “Bon appétit” : ne faites plus la faute ! », 3
Suite et fin de la leçon 412.
La vraie raison du bannissement de l’expression « bon appétit ! » est très probablement que manger est une activité animale, terrienne, terre à terre, prosaïque, indigne de l’homme idéalisé, et que l’on ne doit pas l’encourager explicitement (et encore moins par un « bon appétit ! » tonitruant, sonore et joyeux) sauf pour des raisons médicales, et qu’on doit passer la manducation un peu honteusement, pudiquement sous silence : l’homme idéalisé vit d’air pur et de l’eau bruissante de la source. Il respire et se désaltère, point final. Voilà la raison, et la Belle au bois dormant ne va jamais à la selle ; enfin, elle se désaltère, c’est-à-dire qu’elle boit sans excès pour n’avoir pas besoin d’ensuite uriner.
Même le mot manger est de trop dans certain milieu, on dira plutôt déjeuner ou dîner.
Mise à jour. Rubrique de Lefigaro.fr « Ne faites plus la faute ! », suite en 459 ci-dessous.
• 11 avril 2018
Leçon 457. – « tantôt »
Que signifierait un hypothétique « Je l’ai vu tantôt et je le reverrai tantôt » ?
Littré :
tantôt, adv.
1. Bientôt. « Vous en verrez tantôt la suite » [...].
3. Peu auparavant, il y a peu de temps, en parlant du jour où l’on est. J’ai vu tantôt l’homme dont vous me parlez.
Un hypothétique, mais possible, « Je l’ai vu tantôt et je le reverrai tantôt » signifierait donc « Je l’ai vu il y a peu et je le reverrai dans peu de temps ».
Quand nous étions enfant puis adolescent, à Paris, nous employions tantôt ou ce tantôt avec le sens de cet après-midi jusqu’à ce que nous nous apercevions, il y a quelques années (dix ou vingt), que cette acception de tantôt semblait avoir complètement disparu. A Paris dans les années 50 et 60 encore, on disait couramment : « J’irai tantôt, car ce matin j’ai des choses à faire » ou « Il a fait très beau ce tantôt ». Comme plus personne ne le dit à Paris, nous ne le disons plus, de peur de n’être pas compris, et c’est ainsi que l’acception mourra.
Certains lexicographes disent que c’était parisien ou belge, Littré dit que c’était, entre autres, genevois.
Nous avons vu mourir aussi le mot réclame (voir les leçons 331 à 334), remplacé par le laideron hypocrite publicité. Et quels autres encore ?
Le Petit Larousse 2011 donne « cet après-midi » en première acception de tantôt avec l’exemple « Il viendra tantôt ». Où les lexicographes l’ont-ils entendu ? En province ? Il ne serait donc ni mort ni moribond ?
• 12 avril 2018
Leçon 458. – « Les élèves français ont régressé sur la rédaction »
Article de Bfmtv.com.
Les élèves ont, sans surprise et de l’avis de beaucoup, régressé comme ont régressé les journalistes, qui comprennent une grosse majorité de journassots, demi-illettrés soumis au politiquement correct et à la pensée unique ou aveugles à la réalité, et dont les écrits sont d’une qualité bien inférieure à ceux de la presse du début du XXe siècle par exemple (le curieux et le boulimique trouveront d’intéressantes collections de journaux de cette époque sur Gallica.bnf.fr).
« [Ils] ont régressé sur la rédaction » : on remarquera le goût immodéré et imbécile des journassots pour « sur », bien plus classieux que « en » (« sur Paris », « sur un spectacle », etc., voir la leçon 431).
• 12 avril 2018
Leçon 459. – « “Bon appétit” : ne faites plus la faute ! », 4
Continuons avec la rubrique « Ne faites plus la faute ! » de Lefigaro.fr, laquelle va de Charybde en Scylla.
Ce jour un article intitulé « “Chaque”, “chacun” : ne faites plus la faute ! » ; en voici un convaincant extrait :
À noter que dans la locution «tout un chacun», le verbe sera toujours au singulier. On écrira donc: «Tout un chacun ria à sa blague.»
Article non signé. Un stagiaire ? Un pince-sans-rire, un amateur de blague à tiroir ?
On aura également remarqué que la phrase suivante ne veut rien dire...
À noter que dans la locution «tout un chacun», le verbe sera toujours au singulier
... et qu’il eût fallu écrire :
À noter que s’il a pour sujet la locution «tout un chacun» le verbe sera toujours au singulier
Nous pourrions faire d’autres remarques sur ce texte, mais à quoi bon ? La rubrique « Ne faites plus la faute ! » sentait déjà fortement l’amateurisme (et le copié-collé maladroit et l’inoriginalité), la voilà qui est tombée dans la bouffonnerie.
Des miettes de culture pour des sans-dents affamés, de la culture au rabais pour des « gens qui ne sont rien » ; des illettrés qui maintenant nous donnent des leçons.
Archive : https://archive.is/7CpVk
Au moins deux commentateurs ayant relevé le barbarisme « ria », Lefigaro.fr a fini par le rectifier (sans toutefois remercier les sans-dents qui l’avaient signalé aux sans-yeux) :
http://www.lefigaro.fr/langue-francaise/expressions-francaises/2018/04/12/37003-20180412ARTFIG00031-chaque-chacun-ne-faites-plus-la-faute.php
Conclusion, pas de respect pour le lecteur.
On aura également remarqué le côté provocateur de la rubrique : « ne faites plus la faute ! », et non « ne faites pas la faute ! ». Le lecteur est infantilisé, voire humilié, une fois de plus, par le journassot subventionné.
Voir aussi la leçon 580.
• 14 avril 2018
Leçon 460. – « Une témoin »
Ce n’est pas la première fois que nous soulignons ici la mauvaise qualité des textes de l’AFP.
Le HuffPost avec AFP
[Titre]
Des militants LREM agressés jusqu’à [sic] Montréal par des individus cagoulés
[Texte]
[Ils] ont reçu dans les yeux du gaz lacrymogène, ont raconté un membre de LREM et une témoin.
Cette témoin, venue dîner avec une amie...
"Ils ont aspergé des clients de poivre de Cayenne", un gaz irritant, a raconté cette témoin qui a demandé à garder l’anonymat.
Voir aussi la leçon 300 :
La témoin s’appelle Djamila B. Elle témoigne...
• 15 avril 2018
Leçon 461. – « Cagoulé » ou « encagoulé » ?
Selon les « Règles typographiques du Monde diplomatique »* (recueil de règles que les correcteurs se donnent à eux-mêmes pour la correction des articles ; ce genre de recueil est aussi appelé « marche typo » ou « marche maison »), il faut écrire encagoulé et non pas « le fautif et répandu cagoulé ».
« Fautif », c’est un peu fort.
Préfèrent-ils aussi encasqué et enganté plutôt que casqué et ganté ?
Pour notre part, cagoulé nous satisfait, et pas question de dire encagoulé, qui nous paraît relever de l’inutile, de l’hypercorrection et de l’artificiel.
Parfois des correcteurs inventent ou tentent d’inventer des règles pour se faire plaisir, pour se faciliter la vie, par ennui ou par dandysme. Parmi les propositions de règles absurdes, nous nous souvenons surtout de celle d’une grande bringue de correctrice d’un hebdomadaire connu qui aurait voulu qu’on écrivît « droit-de-l’homisme » pour s’aligner sur « prud’homie » et sur « prud’homal », issus de « prud’homme ».
Les correcteurs de ce même hebdomadaire avaient inventé et appliquaient une règle orthographique absurde et fautive que nous avons oubliée (et peut-être la grande bringue était-elle à l’origine de cette règle) ; à leur grand dam, nous ne l’appliquions absolument jamais. Quand nous étions pris en flagrant délit de non-application, nous arguions toujours d’un malheureux oubli ; ils faisaient semblant de nous croire, mais fort vexés que le correcteur pigiste que nous étions n’en fît qu’à sa tête. Demander à un correcteur d’introduire des fautes dans les textes qu’il corrige, c’est un comble et c’est peut-être le comble de l’humiliation pour quelqu’un qui aime son métier et le prend au sérieux.
Que des mauvais souvenirs de cet hebdomadaire, d’ailleurs les correcteurs finirent par se liguer unanimement contre nous et par nous pousser victorieusement vers la sortie. Un sage conseil de prud’hommes déclara notre licenciement abusif, nous reçûmes une petite indemnisation et commençâmes une carrière de correcteur à domicile pour divers éditeurs, peu rémunératrice mais peinarde, sans horaire, sans chef et surtout sans collègue.
N. B. Noter le sens particulier de cagoule chez Littré :
s. f. Sorte de vêtement de moine, ample et enveloppant tout le corps, mais qui est sans manches, à la différence du froc qui a des manches.
———
* https://graphism.fr/accedez-aux-regles-typographiques-du-monde-diplomatique/
• 15 avril 2018
Leçon 462. – « C’est peu dire » ?
Tweet de Renaud Camus :
« C’est peu dire que ces frappes font l’unanimité ». @franceculture, nouvelles. Puis le journaliste expose des réactions très variées. Donc il croit que “c’est peu dire” signifie “on ne peut pas dire”. Effondrement de la langue. Bientôt nous n’allons plus nous comprendre du tout.
https://twitter.com/RenaudCamus/status/985419118714261504
C’est précisément un contresens, puisque « c’est peu dire » est utilisé ici pour « c’est trop dire ».
« On exagérerait si l’on disait que ces frappes font l’unanimité », voilà ce qu’il faut entendre.
Renaud Camus est une des rares personnes qui critiquent presque quotidiennement la langue des journassots.
• 15 avril 2018
Leçon 463. – Un « faire » à tout faire, 2
Suite de la leçon 455 ci-dessus.
Certains citent un vers de Racine pour illustrer ce faire de remplacement :
Je l’aimais inconstant, qu’eussé-je fait fidèle ?
A notre avis, deux erreurs.
D’abord deux inexactitudes dans la citation. La voici rectifiée :
Je t’aimais inconstant, qu’aurais-je fait fidèle ?
Voir Andromaque, IV, 5, édition de 1668 : « Je t’aimois inconstant, qu’aurais-je fait fidelle ? »
Ensuite faire ne remplace pas aimer et faire ici veut dire faire et non aimer. Si on remplace ce faire par aimer, cela donne :
Je t’aimais inconstant, qu’aurais-je aimé fidèle ?
Ce qui est saugrenu.
Noter qu’il n’y a pas de comparaison dans le vers de Racine (avec comme, plus, moins, autant...) et qu’un point d’exclamation final eût été mieux venu qu’un point d’interrogation.
• 16 avril 2018
Leçon 464. – Un « faire » à tout faire, 3
Dans « Je t’aimais inconstant, qu’aurais-je fait fidèle ? », faire ne peut être simplement remplacé par aimer, disions-nous et montrions-nous plus haut.
Prenons quelques exemples de cet emploi de faire chez Littré sub verbo « faire » pour constater que faire peut y être remplacé simplement, mécaniquement par le verbe auquel il renvoie. (Pour alléger la présentation, nous n’avons pas indiqué la source des citations, on la trouvera chez Littré sub verbo « faire ».)
— L’exemple touche plus que ne fait la menace.
— Ce baudet-ci m’occupe autant/Que cent monarques pourraient faire.
— Je veux savoir vos pensées à fond et vous connaître un peu mieux que je ne fais.
— Puisque me voilà éveillé, il faut que j’éveille les autres, et que je les tourmente comme on m’a fait.
— Il l’appelle son frère, et l’aime dans son âme,/Cent fois plus qu’il ne fait mère, fils, fille et femme.
— Il fallait cacher la pénitence avec le même soin qu’on eût fait les crimes.
— Les étrangers le connaissaient mieux que ne faisait une partie d’entre nous.
— Charles voulait braver les saisons comme il faisait ses ennemis.
— Vous m’enverrez la traduction, ainsi que vous avez fait la latine.
— Quand ils eurent résolu la mort de saint Paul, ils le livrèrent entre les mains des Romains comme ils avaient fait Jésus-Christ.
On aura remarqué que chacune des phrases comporte une comparaison, avec plus, autant, mieux, comme, le même ou ainsi.
• 16 avril 2018
Leçon 465. – Un « faire » à tout faire, 4
Ci-dessous on voit mieux que le « fait » de « qu’aurais-je fait fidèle ? » d’Andromaque, IV, 5 signifie faire et non aimer...
Je ne t’ai point aimé, cruel ? Qu’ai-je donc fait ?
J’ai dédaigné pour toi les vœux de tous nos princes ;
Je t’ai cherché moi-même au fond de tes provinces ;
J’y suis encor, malgré tes infidélités,
Et malgré tous mes Grecs honteux de mes bontés.
Je leur ai commandé de cacher mon injure ;
J’attendais en secret le retour d’un parjure ;
J’ai cru que tôt ou tard, à ton devoir rendu,
Tu me rapporterais un cœur qui m’était dû.
Je t’aimais inconstant, qu’aurais-je fait fidèle ?
... et a pour sens développé : « que n’aurais-je pas fait si tu avais été fidèle ! ».
On notera que ce « qu’aurais-je fait fidèle ? » est assez audacieux, très elliptique et probablement agrammatical, car fidèle renvoie à toi et non à je.
Ajout de janvier 2019. Extrait du Bon Usage, grammaire française de Maurice Grevisse et André Goosse, quatorzième édition, 2008 :
Alinéa 334, remarque 1. D’une syntaxe hardie (le premier adjectif se rapportant à un pronom régime, le second à ce pronom ellipsé ; l’adjectif tenant lieu à lui seul d’une proposition conditionnelle) : Je t’aimois inconstant, qu’aurois-je fait fidelle ? (RAC., Andr., IV, 5). Mais quelle expressivité ! La transposition en fr. régulier est bien plate : Je t’aimais quand tu étais inconstant, qu’aurais-je fait si tu avais été fidèle ?
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Dossiers
• Le style c’est l’homme, analyse de l’expression macronienne ici
• Lesdites « Rectifications de l’orthographe » de 1990, analyse d’un cafouillage ici
• Le style déplorable des historiens ici
• Le piège de la locution « sauf à » ici
⁂
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